Un article écrit pour le groupe de balades
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LE MANTRAILING
Quoi : activité de recherche de personne disparue. De "man" (homme) et "trail" (piste).
Activité d'origine anglo-saxonne, non enseignée en France, qui lui préfère la recherche utilitaire.
Ces deux activités diffèrent toutefois notablement.
En effet, ces deux activités sont très différentes. Le but est le même, chercher une personne disparue. Mais le mantrailing reste une discipline très peu contraignante pour le chien : chercher au
flair est déjà difficile, donc on ne demande rien d'autre au chien (pas de posture, pas d'attitude de recherche, pas de marquage particulier d'objets, etc). En RU au contraire, on demande au chien de marquer d'une manière spécifique les objets qui auraient été perdus par la victime, et on cherche à bannir les attitudes de recherche moins orthodoxes (selon certaines appréciations !) (exemple du chien qui quête au lieu de pister nez au sol, etc).
Je préfère donc le mantrailing, plus "naturel" - en résumé : une odeur, une piste, un chien/un conducteur/une longe, et c'est tout - et non contraignant pour le chien, qui piste comme il le souhaite. Ce qui compte, c'est le résultat et donc l'efficacité de la recherche, pas sa forme.
Qui : tout le monde !
Aucune restriction de race ou âge, pour le chien.
Pour le conducteur, une bonne forme physique est nécessaire, c'est tout.
Qu'est ce que l'odeur qui permet de former la piste ?Tout simplement des bactéries/de minuscules débris de divers tissus perdus par le corps humain en permanence lors de ses déplacements.
L'odeur corporelle est propre à chaque humain/chaque animal. Elle sert d'ailleurs de moyen d'identification chez de nombreux mammifères. C'est ce que fait le chien quand il cherche un animal (gibier) ou un humain.
Comme toute bactérie, l'humidité lui va plutôt bien, et la chaleur la tue rapidement. Donc plus le temps est humide, plus la piste sera facile à suivre. Plus il fera chaud, moins elle le sera. Cette réalité scientifique conditionne l'attitude du chien face à sa piste : dans les endroits ombragés, la piste est suivie plus facilement, tandis que sur un trottoir ensolleillé, par exemple, l'odeur sera moins présente et donc plus difficile à suivre pour le chien.
La présence de vent joue également : il peut disperser les particules et diffuser l'odeur ailleurs que sur la piste initiale, voire la faire quasiment disparaître s'il est très fort.
Lorsque la victime reste quelques minutes immobile à un endroit défini, les tissus s'y déposent en plus grande quantité et l'odeur se répand rapidement en cercle autour de la victime. On appelle cela un "scent pool", qu'on pourrait traduire par "lieu de concentration d'odeur". Quand on arrive près de la victime, on tombera forcément sur un scent pool là où elle est stationnée. Le chien va alors accélérer ses mouvements car il se trouvera près/dans une grande concentration de l'odeur qu'il cherche.
Comment :- on réfléchit d'abord à qui on cherche et à ses capacités physiques : un enfant ou une personne âgée n'iront pas très loin ou n'escaladeront pas des murs, par exemple. Ne jamais avoir d'idée préconçue (on ne sait jamais si une grand-mère est très sportive !), mais se faire une petite idée du comportement de la victime sur la piste, et surtout, de ce qu'elle a été en capacité de faire ou pas, est utile.
- on amène le chien sur l'aire de départ (dernier endroit où la victime a été vue). En situation réelle, c'est vous qui la définissez en fonction des témoignages, des forces de l'ordre et de toute information utile qu'on vous aura donnée.
- on vérifie la direction du vent : ceci afin de déterminer où partira l'odeur. Si on est sur une grande place battue par le vent, il faudra aller chercher l'odeur à des endroits où elle a pu se déposer (poteau, arbre, rigole, herbe, etc : tout ce qui peut "l'accrocher").
- on fait faire un tour d'horizon au chien pour qu'il identifie les odeurs présentes sur l'aire de départ : quand on lui fait sentir l'odeur de référence ensuite, il saura plus vite où commencer sa recherche car il l'aura précédemment sentie. En outre, ce tour d'horizon permet au chien de se concentrer plus rapidement sur l'odeur à suivre, car il ne sera pas déconcentré par les autres odeurs présentes sur le lieu de départ, les connaissant déjà.
- on harnache le chien avec son harnais et sa longe spécial pistage : le but est ici de faire comprendre au chien qu'il va travailler. On utilise donc un harnachement spécial uniquement pour cette activité.
- on donne à sentir au chien une odeur de référence (celle de la victime, donc) : important, l'odeur doit avoir la même durée de pose que la piste. Piste froide (qui a posé entre le moment où la victime l'a tracée et le départ du chien dessus) = odeur datant de l'heure de la pose de la piste.
- on demande "cherche" . Pour cela, le timing est important : quand le chien inspire en plaçant le nez sur l'objet/la surface où se trouve l'odeur, on demande de chercher. Une seule fois, d'un ton positif (pas d'ordre, c'est une demande) et énergique (mais pas excité).
- Puis plus un mot ! Le silence est d'or en mantrailing, pour ne pas influencer le chien. La gestuelle est ainsi également très importante : un contact constant et souple sur la longe, mais surtout pas d'à-coup sur celle-ci. On reste bien derrière son chien (sur la même ligne que lui) pour éviter, par notre déplacement, de l'influencer sur la piste à suivre. Un exercice intéressant pour se rendre compte des influences inconscientes que l'on peut avoir sans le vouloir sur le chien, consiste à se bander les yeux et à tenter de marcher droit pendant qu'une autre personne marchera derrière vous, longe en main, en se déplaçant de droite à gauche : vous suivrez, sans vous en rendre compte, les mêmes variations de trajectoire. Si vous y êtes sensibles, le chien l'est aussi.
De la même manière, on attachera une grande importance à notre gestuelle : quand le chien se stoppe, nous faisons comme lui, quand il accélère, nous le suivons (au début de l'entraînement surtout, être à l'écoute des variations du rythme de son chien est très important et trottiner avec lui quand il est en plein sur l'odeur et donc accélère est très motivant). Et tout cela en restant bien derrière lui. Tout ceci visant à ne pas influencer le chien pendant sa recherche (si nous avançons quand il se stoppe, nous lui disons de continuer. Or le chien, s'il stoppe, nous montre qu'il a besoin de réfléchir, qu'il a perdu l'odeur ou discrimine entre odeur + ou – fraîche. Lui demander par notre gestuelle d'avancer à ce moment-là reviendrait à lui dire : "tu peux avancer, la piste est toujours là". Or nous n'en savons rien ! Seul le chien peut nous le dire).
- durant la piste, si l'on veille bien à ne pas influencer le chien comme on vient de le voir, on ne reste pas pour autant passif. On lit/décrypte en permanence l'attitude corporelle de son chien : marche t'il plus vite (l'odeur est bien là, voire de plus en plus présente), plus lentement (l'odeur est alors moins présente), ralentit-il beaucoup pour finalement se stopper et revenir vers vous (on appelle cela un "négatif", mouvement du corps par lequel le chien signale que l'odeur n'est pas là : selon le chien, cela peut être un mouvement du corps qui s'arque, un bref tourné de tête dans une direction puis la tête qui revient dans sa position initiale, etc) ?
Cette lecture permanente permet d'aider le chien à réussir à se sortir de situations techniques compliquées : le chien ne parvient pas en effet à scanner méthodiquement un environnement complexe seul. Tout simplement parce qu'il raisonne comme un chien, pas comme un humain : il ne sait pas comment un humain se déplace. Il lui est ainsi impossible, par exemple, de checker de manière systématique un carrefour comportant plusieurs chemins, car il n'en verra pas l'utilité. Vous devrez donc l'emmener sur chaque chemin partant de ce carrefour pour vous assurer que l'odeur n'y est pas présente, car vous savez, vous, que la victime a a priori emprunté au moins un de ces chemins.
On veille également à ne pas gêner le chien dans ses déplacements parfois rapides : on trottine avec lui, on rembobine rapidement la longe quand il change de direction et on ne met pas d'à-coup sur celle-ci.
Le conducteur veille enfin à la sécurité du chien dans certains environnements délicats (ville passante, notamment : attention aux voitures si le chien veut traverser une rue pour suivre une piste).
- enfin, on arrive à proximité de la victime. On le sait car le chien va aller se poster devant/à proximité (normalement, on conditionne le chien à marquer la victime par une attitude reconnaissable : un assis, un saut, un aboiement, etc. Je pense désormais que l'on peut fonctionner sans conditionner le chien, en faisant reposer sur le propriétaire l'observation de son chien pour déterminer si la personne en question est bien la victime ou pas. Le chien va sûrement nous regarder, ou se désintéresser de la piste, car il a terminé de travailler : à nous de comprendre, selon chaque chien, ce qu'il veut nous dire. On peut également demander au chien si la personne en question est bien la victime et observer sa réaction).
Ce moment est particulièrement fort pour le chien, qui a pisté depuis souvent plusieurs minutes. On valorise donc cette découverte en stationnant très près de la victime (pour montrer au chien que cette personne est importante pour nous, conducteur) et en récompensant le chien : voix, caresses (sans le faire monter en excitation). On utilise également de la nourriture ou un jouet. Personnellement, je préfère la nourriture qui excite bien moins les chiens. Ma réflexion n'est pas encore aboutie pour la supprimer ou pas (à voir dans les prochains mois – j'ai commencé le mantrailing avant l'approche Escafre et je n'ai pas encore tout transposé de ma vie "d'avant Escafre").
Le but est d'entraîner le chien à :- Vouloir suivre la piste de la victime : au début, le chien débutant voit partir sa victime et la regarde se cacher, puis on passe à une étape intermédiaire où il regarde partir la victime un petit moment seulement (le chien étant tourné pour qu'il ne voie pas la victime se cacher), puis in fine il ne la verra pas partir du tout.
- Prendre l'odeur sur tout support disponible : tissu (vêtement notamment), contact de la victime sur un support (chaise, voiture, poignée de porte, voire même sur un cadavre si on recherche un agresseur, etc). Que cet objet soit posé au sol, sur un banc ou accroché quelque part. Une bonne prise d'odeur conditionne la réussite de la piste, car si le chien ne prend pas correctement sa référence, il est rapidement perdu.
- Pister en terrain varié (campagne, ville), sur tout revêtement (terre, herbe, bitume), avec du passage ou dans des endroits déserts,
- Pister sur des trajectoires variées (traversées de route, changements de direction, etc),
- Indiquer les négatifs (le fait que l'odeur ne se trouve pas à l'endroit inspecté),
- Discriminer les pistes froides et chaudes : le chien préfère naturellement suivre une piste fraîche plutôt que vieille, car dans la nature, cela indique la proximité du gibier récemment passé par là. Le processus est le même pour retrouver un humain : le chien doit apprendre à délaisser une piste froide au profit d'une piste plus fraîche, si la victime est passée plusieurs fois au même endroit à des moments différents.
- Passer des obstacles sans perdre sa motivation et sa concentration (talus, porte, barrière, rivière, etc),
- Les différents profils de victime (homme, femme, enfant), les attitudes de celle-ci (en hauteur, assise, debout, couchée, au milieu d'autres personnes, en train de lire un journal, etc).
Le conducteur apprend à lire son chien (détection des négatifs, arrivée sur un scent pool, demande du chien d'ouvrir une porte si la victime est de l'autre côté, etc) et à l'influencer le moins possible (parole et gestuelle).
Quelques principes d'apprentissage :Cercle de progression : on entraîne le chien sur un cercle qui schématiquement, part d'un exercice facile pour ensuite passer à de plus en plus difficile, pour revenir ensuite aux exercices faciles du début. Le mantrailing demande énormément aux chiens. Il faut les conserver motivés et intéressés, sous peine de les dégoûter de cette activité ou au mieux, de les éteindre.
Une difficulté à la fois : le chien progresse point par point. Si le chien est débutant, on fera une piste simple, avec un changement de direction, pas plus. On pourra la fois suivante, si le chien est motivé, ajouter une petite variante. Mais en aucun cas on n'introduira un passage de barrière en même temps qu'une piste très froide, par exemple, sous peine de perdre le chien et de devoir revenir très en arrière dans le travail.
Pour finir, le maître mot est : on ne teste pas le chien, on l'entraîne ! Donc on ne part pas à l'aveugle sur une piste "pour voir si le chien trouve", on augmente petit à petit les compétences du chien en pleine conscience de la piste qu'il doit faire. On doit savoir comment est la piste pour construiire le chien, pour qu'il gère de plus en plus précisément son travail. Il peut arriver parfois que le conducteur travaille complètement à l'aveugle, mais le formateur doit être présent et lui, bien connaître la piste, pour pouvoir contrôler que le travail fourni par le team chien/conducteur est précis. S'entraîner à l'aveugle est le meilleur moyen de donner des mauvaises indications au chien et de ruiner son travail.
Le chien débutant : l'étape cruciale consiste à faire comprendre au chien qu'on doit fonctionner avec son
flair.
Les premières séances se font avec départ de la victime à vue. Cela suffit toutefois souvent au chien à perdre la victime (une fois la victime cachée immobile, le chien la perd souvent, même s'il l'a vue partir à un endroit précis de l'aire de départ). On observe alors le chien : réfléchit-il à comment retrouver la victime ou se déconcentre t'il ? S'il se déconcentre, l'instructeur pourra demander à la victime d'appeler une fois le chien pour l'aider un peu.
Au moment où le chien pense à flairer pour trouver une victime qu'il vient de perdre, c'est gagné. On confirmera bien sûr cette première étape par d'autres pistes faciles, pour voir si le chien utilise désormais systématiquement son
flair ou pas.
En outre, chez le conducteur et chien débutant, la longe est au sol durant les premières pistes pour éviter tout mouvement parasite de blocage qui pourrait bloquer le chien.
Bénéfices de l'activité :Meilleure relation maître-chien (vous formez tous deux une équipe qui dialogue en permanence). Sans le chien, vous n'êtes rien, mais sans vous, le chien n'est rien non plus.
Pour le chien : concentration, moins d'excitation, fatigue mentale d'excellente qualité, réflexion, prise d'initiative, autonomie, assurance et confiance en soi.
Pour le conducteur : meilleure lecture de son chien, apprendre à faire confiance à son chien.
Matériel nécessaire :- un harnais spécial pistage : http://www.hundegeschirr-grossenbacher.de/mantrailing-canicross.htm (c'est la marque que j'ai prise pour mes chiens)
- une longe spéciale pistage.
(je peux prêter harnais et longe en fonction de la taille des chiens – je n'ai pas toutes les tailles !).
- deux petites boîtes de ce type (la boîte doit tenir dans la main) : https://www.amazon.fr/Premier-Housewares-1209766-Conservation-Couvercles/dp/B00A0GY0UK/ref=sr_1_5/256-1607189-9122906?ie=UTF8&qid=1471695427&sr=8-5&keywords=mini+boite+plastique
- une friandise que le chien n'a jamais au quotidien ou ne consomme pas lors de ses repas, coupée en petits morceaux : knackis, fromage, jambon, pâté, etc.
Où pratiquer :En France, chez Ann-Jo Proos, à Moux en Morvan.
Site internet : http://dog-adventure.fr/ (vous pourrez y voir Gats, Houma et Smoke en piste et bien d'autres chiens, de tout âge et race).
Néerlandaise ayant vécu en Australie, les cours se déroulent en anglais (possiblité de traduction par les autres stagiaires). C'est LA spécialiste de l'activité en France. Elle possède une très grande expérience de formations de couples conducteur-chiens de recherche et a elle-même pratiqué en opérationnel avec ses chiens. Elle forme depuis de nombreuses années des particuliers et des professionnels de tous les pays qui viennent se perfectionner chez elle. Une référence, donc.
Important : si vous avez la possibilité de vous rendre chez Ann-Jo Proos, je préfèrerais que vous débutiez avec elle, surtout si vous avez la possiblité de vous rendre chez elle régulièrement et que vous comptez pratiquer le mantrailing à un bon niveau technique par la suite. Mes 5 années d'expérience valent bien moins que ses 30 années de pratique.
Attention également aux différents professionnels de l'éducation canine pouvant vous proposer une activité de mantrailing : certains se forment seulement quelques jours et vous entraînent ensuite... Méfiance ! La discipline est très technique et subtile et demande plusieurs années d'expérience avant d'être enseignée.
Attention : je déconseille la pratique du mantrailing seul à petit niveau. Il est en effet facile/rapide de mal enseigner à un chien (il n'est pas rare de voir des conducteurs penser que leur chien cherche alors que ce sont eux qui le poussent sans le voir – il n'est pas rare non plus de démotiver un chien par une progression incohérente – enfin, une erreur que l'on retrouve fréquemment aussi consiste à enseigner par erreur au chien le suivi d'une piste froide plutôt que chaude, ruinant ainsi le travail du chien, puisqu'on lui demande précisément l'inverse pour être efficace sur une piste).